Mgr Ravel nous invite à reprendre la pastorale

 

En cette rentrée pastorale Mgr Luc Ravel adresse un message à toutes les personnes actives dans l’Église. Au-delà de la pandémie, ne baissons pas les bras. L’archevêque de Strasbourg nous dit : « viens ». Voici quelques extraits de sa lettre datée du 8 septembre et dont l’intégralité est à retrouver à la fin de cet article.

Chers frères et sœurs,

Je voulais vous dire ma proximité alors que la rentrée ne s’annonce pas facile. Après des décennies relativement clémentes où les choses se programmaient longtemps à l’avance, nous entrons dans une période agitée, tempétueuse, fortement marquée par l’incertitude.

Depuis soixante-quinze ans en Europe de l’Ouest, la phase historique que nous venons d’achever se présentait à nous comme  une croissance continue dans le cadre d’une sécurité jamais connue jusque-là. Je n’oublie pas que, depuis le début du 21ème siècle, des orages ont éclaté dans ce ciel bleu dont les moindres ne furent pas le actes de terrorisme. Cependant, ces chocs d’une extrême brutalité n’avaient pas modifié en profondeur notre existence, en particulier notre pastorale et notre vie chrétienne. La menace existe toujours mais elle n’habite pas en permanence notre esprit et nos habitudes. En ce sens, le terrorisme a échoué dans son but de soumettre des peuples par la terreur.

Mais, avec cette pandémie, nous voilà contraints par les événements à imaginer un avenir très proche, la rentrée pastorale par exemple, sous le régime de l’incertitude. Cette contrainte réclame de nous un sursaut de foi, celle qui fait s’écrier à Saint Paul : «  J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. (Rm 8, 38) ». C’est pourquoi nous devons garder notre regard solidement fixé sur Jésus (cf. He 12, 2) dans l’espérance du Royaume de Dieu que Jésus lui-même nous apporte.

Après avoir subi, (que pouvions-nous faire d’autre ?) face à des événements qui nous dépassaient, il est temps de ne plus subir en reprenant cette posture active qui est la nôtre en temps habituel. On sait aujourd’hui comment et avec quelle force le crime se réorganise dans ses trafics, de drogue par exemple. Les fils des ténèbres seraient-ils plus résilients dans le mal que les fils de la lumière dans le bien ? Que signifie pour nous, agents en pastorale, « ne pas subir » sinon reprendre nos missions avec les énergies de la foi ? Mon appel ne vise pas à remplacer le jugement des dirigeants politiques par des inspirations divines. Nous pouvons proposer aux autorités des modalités d’exercice du culte mais nous n’avons pas à décider des « mesures barrières

Je vous appelle en cette rentrée scolaire 2020 à une reprise marquée par quelques postures extérieures très claires dont j’aimerais qu’elles correspondent à des convictions intérieures.

  • Respecter les mesures de l’autorité. Le pape François a été très net sur ce point.
  • Relire sa vie personnelle durant le confinement et en discerner des éléments positifs.
  • Ne plus différer les actes pastoraux habituels : célébrations, catéchèse, aumônerie, visites de malades…
  • Poursuivre les initiatives heureuses prises pendant le temps du confinement.
  • Créer des opportunités nouvelles pour l’Évangile ; partager les intuitions personnelles que nous avons reçues du Seigneur ! Il n’y a pas de copyright dans l’Église !
  • Poser des actes de charité nouveaux, par exemple de proximité avec des personnes vulnérables, alors que nous allons traverser une crise économique compliquée.

Dans son homélie pour la Pentecôte du 31 mai 2020, le pape François diagnostique clairement ce qui pourrait nous ralentir ou nous empêcher d’avancer dans ces périodes troublées. Il nomme trois ennemis du don, tapis toujours à la porte de notre cœur : le narcissisme, le fait de se poser en victime et le pessimisme. Le narcissisme fait s’idolâtrer soi-même et se complaire seulement de ses propres intérêts. “Pourquoi devrais-je me donner aux autres ?”. Mais aussi le second ennemi, le fait de se poser en victime et de se plaindre tous les jours de son prochain. Enfin il y a le pessimisme : “Rien ne va plus, la société, la politique, l’Église…”. En pensant ainsi, ce qui sûrement ne revient pas c’est l’espérance. Parmi ces trois idoles : le dieu-miroir, le dieu-lamentation et le dieu-négativité, nous nous trouvons en manque d’espérance et nous avons besoin d’apprécier le don de la vie, le don qu’est chacun de nous. Pour cela, nous avons besoin de l’Esprit Saint. Par ailleurs, même si cette période a été féconde pour certains d’entre nous, elle demeure globalement une tragédie humaine et un accélérateur de la déchristianisation. Ceux qui étaient encore attachés à la pratique pour des motifs « esthétiques » ou sociaux ne supportent pas les mesures contraignantes. Ils se sont faufilés au-dehors et ne songent pas à revenir. Tout ceci pèse encore même si nous n’en avons pas conscience.

Mais le message de l’Évangile va plus loin que la mauvaise humeur légitime quand l’impression de l’injustice domine. Dans cet après confinement tumultueux, la mission de l’Église porte maintenant la joie de l’Évangile, la bonne nouvelle de la Vie. C’est donc le moment ou jamais de relire le prologue de « La Joie de l’Évangile » du pape François: « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. Dans cette Exhortation je désire m’adresser aux fidèles chrétiens, pour les inviter à une nouvelle étape évangélisatrice marquée par cette joie et indiquer des voies pour la marche de l’Église dans les prochaines années. »

Le pape avait conclu son homélie de la Pentecôte, que j’ai citée plus haut, par cette prière que nous faisons nôtre : « Viens, Esprit Saint : toi qui es harmonie, fais de nous des bâtisseurs d’unité ; toi qui te donnes toujours, donne-nous le courage de sortir de nous-mêmes, de nous aimer et de nous aider, pour devenir une unique famille. Amen. »

Bonne reprise dans la joie du Seigneur !

+ Luc Ravel, Archevêque de Strasbourg

Lire l’intégralité du message de rentrée de Mgr Ravel